Le 17 juillet 1789, le comte Charles Philippe d'Artois, frère cadet de Louis XVI et futur Charles X, réputé pour ses frasques et ses débauches, quitte Versailles pour l’Italie. On sait son hostilité radicale à la transformation politique entamée dans le royaume depuis mai. Il n’a pas hésité à qualifier les députés aux Etats Généraux de « canailles » et ses thèses radicales lui valent l'inimitié du peuple. Après la prise de
Très vite, l'opprobre de la population les accompagne dans leur périple : « Ce ne fut pas sans difficulté. Ils trouvèrent partout l'horreur de leur nom, le peuple soulevé contre eux (…). La conspiration de
Les travaux de Jean-Clément Martin[3][4] après 1814 et marque la phase de restauration du premier XIXème siècle.
Le cinéma français a contribué à entretenir cette approche négative de la noblesse émigrée. Même si le XXème siècle a produit quelques films sur le contexte de
1 Les émigrés de Coblence
Après juillet 1791, le prince-électeur de Trèves accueillit le comte d'Artois. Petit à petit, Coblence devint un temps le quartier général des opposants mais à l’approche des troupes révolutionnaires lors de la première guerre des coalitions, le Prince Wenceslas fut obligé de fuir et dut quitter son territoire le 7 octobre 1794. Coblence fut donc un point de chute pour nombre de nobles qui désertèrent le royaume de France dès les débuts de
C’est cela que cherche à rendre Jean Renoir (1894-1979) dans l’extrait de
Mais, même si
Dans la scène qui nous intéresse, on découvre que le marquis de Saint Laurent, interprété par Aimé Clariond de la Comédie Française, commandant en chef de tous les forts de Marseille, s’est vu renversé par un groupe de citoyens dirigé par un certain Arnaud. Avant de devoir partir en exil, Saint Laurent a eu une discussion avec Arnaud sur
– maintenant une question : qu’est ce que vous allez faire de moi ?
– vous souhaiter un bon voyage jusqu'à la frontière, un heureux séjour en Allemagne,
et à ne plus vous revoir
Sur fond de musique militaire, le marquis salue, d’un geste de la main, Arnaud qui lui tourne le dos et s’éclipse. La tirade est très orientée puisque, placée en juin 1790, elle présuppose que le marquis veut rejoindre l’Allemagne alors que le mouvement contre révolutionnaire est plutôt alors à Turin autour du comte d’Artois qui cherche désespérément à nouer des alliances avec les souverains européens alors bien ennuyés par cet hôte gênant.
Séquence : Avril 1792. Dans un hôtel de Coblentz, des aristocrates émigrés évoquent leurs souvenirs
Après un fondu au noir, une longue scène de 7 minutes s’ouvre sur un tableau ou l’on peut lire avec une faute :
Hotel Stadt Coblentz
Messieurs les Pensionnaires
sont prié de payer
Coblentz April 1792 Der Wirt
La scène se joue donc à Coblence capitale du prince souverain de Trèves Clément Wenceslas de Saxe (1739-1812), devenu un des huit électeurs de l'Empire en accédant à l'archevêché en 1768. Il y fait bâtir un nouveau château sur le Rhin en 1786. La ville accueille ainsi des émigrés de plus en plus nombreux.
En 1789 et 1790, il était encore relativement aisé de plier bagages, et de passer la frontière, sain et sauf, même avec ses biens, son argenterie et son or. Il n’en est plus de même après
Renoir nous introduit dans le cénacle des réactionnaires par une scène qui contraste avec le discours belliciste qui règne alors en France et c’est par un air traditionnel auvergnat joué au clavecin par Mme de Saint Laurent qu’une langueur semble imprégner la pièce.
Combien j'ai douce souvenance
Du joli lieu de ma naissance !
Ma sœur qu'ils étaient beaux les jours
De France.
Ô mon pays, sois mes amours,
Toujours.
Les paroles de cette chanson sont un long poème de François-René de Chateaubriand (1768-1848) appartenant à Romance, Souvenirs du pays de France où l’on retrouve toute la nostalgie qui plait tant aux Romantiques. En 1791, Chateaubriand s’éloigne de
La voix de Madame de Saint Laurent accompagne une longue partie de la scène où son mari déambule dans une petite pièce, assurément un salon où sont logés les émigrés. A la fin de la chanson, Monsieur de Saint Laurent exprime à sa femme les sentiments qu’il éprouve. « Madame cette chanson m’émeut profondément… ». Pendant que son épouse chantait, un gros plan a focalisé sur ses yeux tristes et sur le sentiment intériorisé qu’ils semblent exprimer là. La réponse de sa femme est tout aussi empreinte de tristesse « je vous prie de m’excuser, je ne peux la chanter sans avoir les larmes aux yeux ». Cette scène intense pleine de mélancolie contraste avec le ridicule du reste de l’action sur lequel nous allons revenir. Néanmoins la réplique de Monsieur de Saint Laurent prête à sourire lorsqu’il dit « elle me rappelle notre Provence » sachant que la composition fut auvergnate ! Pour autant cette humanité et ces sentiments de Monsieur de Saint Laurent tranchent surtout avec le reste de l’aréopage présent dans la scène. La première partie de cette scène montre des nobles désœuvrés. On joue aux cartes, aux dominos. Un jeune aristocrate maladroit s’essaye à l’émigrette. Il s’agit de l’ancêtre du yoyo, le bandalore découvert en Angleterre au XVIIIème siècle par les émigrés qui le ramènent et le popularisent sous le nom de joujou de Normandie ou émigrette. Dans sa culotte et son justaucorps, le jeune homme la main sur la hanche a l’air particulièrement raffiné avec sa perruque poudrée. Il est le seul jeune homme de l’assemblée qui regroupe hommes et femmes. Très vite à la fin de la chanson, la conversation s’échauffe autour de la situation politique.
En 1791, les émigrés français fomentaient des projets d’invasions et imaginaient, avec quelques troupes, de soumettre Paris qui, pour eux, était dominé par quelques groupes d’agitateurs. L’assemblée législative prit alors à leur encontre successivement deux décrets (octobre puis novembre 1791) mais une suspicion importante régnait sur le roi. La confiance n’était plus là depuis la fuite à Varenne et surtout on imaginait qu’il voulait rejoindre ses frères puis rentrer en France avec les armées étrangères.
Louis XVI prit alors un décret contre l’un des princes rhénans, l'électeur de Trèves et vint le 14 décembre 1791 annoncer à l’Assemblée qu’il ordonnait à ce prince de chasser les émigrés de ses possessions[15][16][17] pour faire disperser les rassemblements d’émigrés en Rhénanie. Le tout nouveau souverain repoussa la demande. Le 20 avril 1792, Louis XVI se rendit alors à l’Assemblée législative et proposa de déclarer la guerre à l’Autriche.
La conversation de nos émigrés de Coblence doit donc mettre en valeur la menace qu’ils représentent dans le discours politique français, même si Renoir a fait le choix de jouer un certain ridicule à l’affaire. Premier temps : une jeune femme à fort accent germanique qui écoutait la chanson auprès du clavecin s’enthousiasme voulant réconforter Monsieur et Madame de Saint Laurent pour qui l’exil est long. « Le temps des regrets est passé, vous allez la retrouver votre France ! Quand ? Dans trois semaines ! »
L’émigration de nombreux officiers nobles a profondément désorganisé l’armée française au point que
Je vois d’ici son altesse le comte d’Artois se présentant devant les villes assis nonchalamment entre Melle de Poulterie et Mme Delages. Devant lui les portes s’ouvrent et la population à genou lui présente les clefs. Le peuple enfin délivré acclame avec amour le drapeau blanc et les fleurs de lys.
Ce genre d’entrée royale nous rappelle que, au sein des émigrés, la popularité de Charles comte d’Artois[20] auquel on imaginait au mieux un rôle de régent.
Monsieur de Fougerolles se lance alors dans une diatribe : « et même s’il y a combat, les révolutionnaires ne tiendront pas. On ne fait pas la guerre avec une armée de savetiers, de tisserands et d’avocats ». Le propos est construit sur le dédain d’un grand aristocrate vis-à-vis du troisième ordre de la société qui a pris en main la révolution. Renoir construit alors un dialogue politico-historique entre De Fougerolles et De Saint Laurent. Ce dernier explique « qu’on n’a pas toujours battu les Français et qu’il sauront disputer le terrain. » Expulsé de son fort Saint-Nicolas, Saint Laurent incarne donc une noblesse plutôt lucide et patriote. A l’inverse, la succession des intervenants crée un argumentaire contre révolutionnaire au ton décalé voire choquant en cette année 1937. De Fougerolles, personnage poudré et maniéré, joue alors un aristocrate à l’ancienne. C’est l’art de la conversation qui faisait l’art de cour. Il utilise donc des arguments historiques pour placer son effet voulant dénigrer la population qui l’a forcée à fuir.
Et à Rosbach, pendant la guerre de sept ans, ont-ils vraiment su disputer le terrain devant les Prussiens ? Vous connaissez le quatrain à propos du maréchal de Soubise :
« Soubise dit, la lanterne à la main :
J'ai beau chercher, où diable est mon armée ?
Elle était là pourtant hier matin.
Me l'a-t’on prise ou l'aurais-je égarée ? ?»
Eh bien aujourd’hui ces Prussiens sont avec nous et nous sommes commandés par le duc de Brunswick, le grand vainqueur de cette même guerre de sept ans !
Ce discours est complété par une intervention d’une extrême virulence. Une femme de la noblesse mais à la gouaille particulière explique alors son soutien aux Prussiens.
Moi c’est bien simple j’adore les Prussiens et depuis le jour béni ou j’ai appris qu’ils marchaient avec nous, je cherche toutes les occasions de les acclamer ! J’ai eu la joie et l’honneur d’approcher sa majesté le roi de Prusse a Pillnitz. Mais peut être vous l’ai-je déjà raconté (l’entourage approuve béatement)… Eh bien voila un homme, un véritable Achille, un Agamemnon qui pèse au moins ses
Le spectateur à la sortie du film ne peut manquer de réagir à cette longue tirade très théâtrale. La guerre de 1870 contre les Prussiens et celle de 1914-18 avec l’Allemagne achevée à peine 20 ans plus tôt sont au cœur de l’histoire de la vie des Français de la IIIème République. On ne peut donc appréhender ces personnages qu’avec une inimitié évidente. Comportement hautain, discours pro-prussien, la scène serait aberrante si le contraste ne jouait avec Monsieur de Saint Laurent qui rejette tout lien avec une Prusse ancien ennemi et surtout de religion réformée. Il conclut par un « c’est le mariage de la carpe et du lapin » signifiant ainsi que c’est une alliance saugrenue, une union mal assortie. De Fougerolles en aristocrate pragmatique et intéressé justifie cette alliance par le soutien financier que le roi de Prusse accorde à la noblesse refugiée en Allemagne et par l’aide militaire qui leur permettra de rentrer en France. De Saint Laurent est ulcéré par ce discours et rétorque en réaffirmant la pureté des idéaux de grandeur du pays qu’il défend. De Fougerolles joue à nouveau les hautains en répliquant que ces « scrupules sont bons pour des petites gens, des paysans des artisans qui vivent confinés sur quelque point de terroir. Ils ne peuvent avoir aucune largeur d’idée… on comprend que ces gens là se gargarisent du mot Nation…leur Nation c’est la réunion de la canaille contre les gens de qualité ! ».
Derrière cette querelle patriotique, on ne peut s’empêcher de projeter les tensions de la société française Elle est confrontée dans les années 1930 à la montée de la menace allemande. De plus
La scène se construit donc autour d’un vrai décalage de compréhension de cette aristocratie qui préfère soutenir l’ennemi dont elle tire des revenus pour survivre au lieu d’essayer de percevoir la société française révolutionnaire dans la réalité de sa transformation. Hormis Monsieur De Saint Laurent qui s’interroge et qui malgré son idéal reste lucide, cette aristocratie est donc présentée comme hautaine et dédaigneuse, prête à toutes les compromissions pour maintenir ses privilèges.
Le 6 juillet 1792,
2 La fuite du roi
« Dans les révolutions, ce ne sont pas les révolutionnaires qui gagnent, ce sont les réactionnaires qui perdent ». Dans son film, Jean Renoir a donné à Louis XVI, joué par son propre frère Pierre Renoir, un rôle modéré bien qu’entouré de réactionnaires telle Marie-Antoinette. La situation confuse des actions du roi n’a cessé d’entretenir l’idée de la fausseté du rattachement de Louis XVI à
Séquence : Départ précipité du comte d’Artois et adieux déchirants de Marie-Antoinette
Les années Lumière[28][29][30]. L’érotisme de la scène est palpable entre larmes et doux baisers mais l’on a surtout l’impression d’un véritable abandon.
Séquence : la fuite de Louis XVI à Varennes
Dès 1789, l’idée du départ du roi fut envisagée. En particulier à l’occasion de l’invasion de Versailles, on proposa à Louis XVI de fuir mais celui s’y refusa redoutant sans doute que la situation ne dégénère. Il fit alors le choix de venir à Paris et s’installa au Palais des Tuileries. Néanmoins il autorisa son entourage et celui de Marie-Antoinette, en premier lieu Axel de Fersen, « l'intendant », à lui soumettre un plan d'évasion, minutieusement préparé pour fuir le palais. Beaucoup de ses partisans le déclaraient « prisonnier » depuis sa rentrée à Paris. Un épisode précipita le choix de la fuite. Le 18 avril 1791, il voulut, publiquement, se rendre à Saint-Cloud pour y faire ses Pâques. A l’occasion de la messe des Rameaux, il pensait sans doute en profiter pour se confesser à un prêtre non-jureur car le débat sur
C'est dans la nuit du 20 au 21 juin qu'il s'enfuit avec les siens. Le 20, il a fait présenter à l’assemblée son testament. Il y défendait le principe de la monarchie constitutionnelle et acceptait les acquis de la révolution, les libertés et les droits de l’homme. Il n’apparaissait donc pas comme un nostalgique de l’ancien régime. Néanmoins il partait après avoir rédigé une longue justification, où il énumérait les griefs qui l’empêchaient d’exercer ses fonctions de monarque. Le but était de rallier discrètement la place forte de Montmédy, pour y rejoindre le marquis François Claude de Bouillé (1739-1800), général en chef des troupes de
Le film de Robert Enrico choisit de ne traiter que la partie finale de la fuite à Varennes. Au petit matin, on réveille Lafayette : le départ du roi est découvert. Le marquis, chef de la garde nationale, se précipite alors aux Tuileries où une scène permet de rendre la haine sourde[34][35], inquiet et qui très vite pose le problème politique. La fuite du roi remet en cause toute l’évolution politique de
L’inquiétude de Bailly repose sur l’idée que s’il passe la frontière, il reviendra avec une armée d’émigrés et ce sera la guerre civile. La menace des groupes aux frontières et surtout à Coblence semble donc prise très au sérieux. Il faut donc agir et le temps de réunir les représentants de la nation est trop long : c’est donc La Fayette qui tel un héros de film américain prend l’initiative d’une missive afin d’agir au « nom du salut public ». Sam Neil y ressemble plus à un shérif qui doit agir contre des vilains et imagine donc la théorie de l’enlèvement du roi.
Les ennemis de la révolution ont enlevé le roi. De ce fait, le porteur de ce message est chargé d’avertir tous les bons citoyens au nom de la patrie en danger de le sauver de leur main et de le ramener en sécurité à l’assemblée nationale. Je prends moi-même la pleine responsabilité du présent ordre.
Si l’on connait bien la formule de
La scène prend des airs de Far-West lorsque l’on observe Dominique Pinon qui interprète le maitre de poste Drouet. Il est présenté comme le pourfendeur de la monarchie qui impose au syndic d’agir contre la berline. Alors que les passagers entrent chez l’épicier et que Louis XVI n’est encore que M. Durand, l’intendant de la baronne de Korff, Drouet est de dos, se retourne et joue les redresseurs de tort. Faisant sauter le louis dans sa main, il s’approche du roi sourire aux lèvres, le toise d’un « Bonsoir sire » avec un zozotement aux limites du ridicule.
Séquence : A la poursuite de la Berline de Louis XVI jusqu’à Varennes
L’approche choisie par Ettore Scola est moins historique puisque le scénario de Sergio Amidei repose sur les aspects romanesques du livre de Catherine Rihoit[41][42]. Il fut d’ailleurs récompensé par l’Académie du cinéma italien d’un David di Donatello.
L’écrivain libertin Restif de
Deux personnages nous ramènent à la thématique des émigrés. Le premier est
La diligence suit la même route que la berline de Louis XVI. Chemin faisant, le bruit de la fuite du roi se confirme et les masques tombent. Progressivement, la comtesse de Laborde se révèle être un acteur dans la fuite du roi. Elle trouve les restes d’un déjeuner sur l’herbe et y ramasse un mouchoir, qu’elle plie avec attention, assurément signe de l’avancée du roi qui fuit. Puis dans la diligence pour Châlons, elle insiste sur l’amour du peuple pour son roi refusant d’entendre les arguments de Restif de
Les hourras de 20 000 citoyens couvrirent les salves de 600 canons…Si vous l’aviez vu à Cherbourg dans son manteau rouge. C’était mon roi, c’était mon idéal, c’était ma religion !
Elle sort alors une trousse qui contient les médaillons des portraits de la famille royale. Cette aristocrate qui a fréquenté la cour fait montre d’une dévotion religieuse pour les souverains. Les réactions sont très diverses à l’ouverture du reliquaire. Alors que le magistrat De Florange observe d’un œil bienveillant, Restif de
Quand la diligence arrive à Varennes, Louis XVI, Marie-Antoinette et leurs enfants sont en état d'arrestation dans la maison de M. Sauce, modeste marchand d'épices et de chandelles. Ettore Scola fait alors le choix d’une représentation du roi et de la reine très impressionnante. Regroupés dans une pièce à l’étage, la famille royale n’est vue que depuis un escalier où une foule se presse formant un véritable obstacle pour la comtesse Sophie et monsieur Jacob. Par un interstice, ils aperçoivent les bottes du roi et le bas de la robe de la reine. On ressent avec eux l’oppression de la foule qui tient le roi désormais prisonnier, on entend la colère de Marie-Antoinette lorsque le représentant de l’Assemblée Nationale, le lieutenant Jean-Louis Romeuf (1766-1812), aide de camp du marquis de
3 Les conditions du retour
Le 21 janvier 1793 le roi Louis XVI montait à la guillotine. Monsieur son frère, Louis Stanislas se proclamait alors Régent au nom du jeune dauphin Louis qui meurt en 1795. Il devint donc le détenteur du titre monarchique mais prétendant bien gênant balloté au gré de la politique européenne. Les coups d’état manqués des royalistes et le règne de Napoléon laissaient peu d’espoir pour une restauration de la monarchie des Bourbons. Pour une large part des émigrés néanmoins, une possibilité de retour s’ouvrit sous le consulat. La situation évolua pourtant progressivement. La loi sanctionnait ceux qui s’attaquaient au régime comme dans le cas de l’attaque de Toulon. Le décret du 26 fructidor an V (12 septembre 1797) donnait « l’ordre aux émigrés qui sont dans Paris d’en sortir ». L’assouplissement des mesures permit alors un premier retour. On raya des noms de la liste des émigrés et ceux qui rentraient se soumettaient au nouveau régime en place.
Le cinéma illustre peu le retour d’une aristocratie qui rentre dans les rangs mais montre plus volontiers les comploteurs qui veulent renverser le régime. Il pose aussi la question de la restauration. Dans Chouans de Philippe de Broca, sorti en 1988, Aurèle, fils naturel du Comte Savinien de Kerfadec rentre en France après un séjour américain. Le scénario le fait devenir, un peu malgré lui, un acteur majeur de la lutte aux côtés du Baron de Tiffauges ou d’Olympe de Saint-Gildas qui soulèvent
Dans les Mariés de l’an II (1971), Jean-Paul Rappeneau construit une comédie où Nicolas Philibert est un candidat au divorce entraîné malgré lui dans
Chers et loyaux sujets, la nuit s’est abattue sur nos villes et nos chaumières mais Dieu verra refleurir nos lys. Déjà le jour se lève aux frontières du royaume, les souverains d’Europe volent à notre secours la république chancèle sous leurs coups. Autriche et Prusse sont en Alsace, Espagne franchit les Pyrénées, mais c’est Vous, Combattants de Bretagne et de Vendée, qui porterez le coup fatal aux ravisseurs du trône et de l’autel. Vos premières victoires en annoncent de plus hautes. Aujourd’hui votre devoir est clair. Marchez sur Nantes prenez la ville, donnez un port à la flotte anglaise…
On y retrouve traditionnellement les thèmes de la lutte contre
Le vrai problème semblait donc plutôt celui du retour des Bourbon en France et de la restauration monarchique. C’est le thème central du film Le souper réalisé par Edouard Molinaro et sortie en 1992. Le tête-à-tête de Foucher le révolutionnaire et de Talleyrand le royaliste pendant le souper du 6 juillet 1815 pose en permanence la question de l'avenir du pays. On s’y dit des vérités sur les princes de la famille royale mais ils n’apparaissent pas. La vision la plus satirique du retour des Bourbons se trouve dans le film de Sacha Guitry Le diable Boiteux[49]. Il y incarne Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord dans sa relation à l’empereur Napoléon Ier et surtout aux deux Bourbons qui règnent ensuite : Louis XVIII et Charles X. Le retour d’émigration des deux hommes est présenté de façon très ridicule à l’occasion de plusieurs scènes. « Ce Cher Louis XVIII pauvre monarque errant », c’est ainsi que Guitry agrémente une scène où les Bourbons arrivent avec leurs bagages à Mitau. Une femme de service annonce « Sa majesté Louis XVIII ». Louis XVIII est joué par Henri Laverne connu dans les années 30 comme le membre du duo comique Bach et Laverne. Il est l'un des acteurs fétiches de Guitry. Il n’y a donc pas de réalisme historique dans son interprétation du roi ses premières paroles de la scène étant « Oui ah ! Il est beau le roi Louis XVIII ! ». Quant à son frère Charles X, c’est Maurice Taynac, comédien de théâtre filiforme surtout connu en 1949 pour avoir interprété Fantomas. La scène est donc à prendre au sens de la farce mais la dernière réplique joue le registre du tragicomique puisque constatant son exil permanent, Louis XVIII demande à son frère « Connaissez vous rien qui soit plus triste au monde que d’être des émigrés ? ».
Une deuxième scène se joue alors que Napoléon ayant abdiqué pour la première fois est en route pour l’île d’Elbe. Talleyrand au petit matin est chez lui, il y apprend les nouvelles et y reçoit tel un aristocrate d’ancien régime « pour son petit lever ». Il a signé la veille le traité de Paris et le retour de la monarchie est donc en marche. Talleyrand justifie le retour de la maison de Bourbon par une longue tirade.
Seule la maison de Bourbon pouvait rendre à
C’est ainsi pour Guitry l’occasion de comparer les deux futurs souverains de la restauration. «
L’approche cinématographique de la question de l’émigration pendant
La contre-révolution en Europe 18ème-19ème siècles, Réalités politiques et sociales, résonances culturelles et idéologiques, Presses universitaires de Rennes, 2001. 300p.
Les noblesses françaises dans l'Europe de
« Pendant ce temps, le comte d'Artois se dirigeait à petites journées vers Coblentz, en suivant les bords du Rhin. Le long de sa route, il traversait des villes déjà remplies d'émigrés. Depuis plusieurs mois, c'est sur l'Allemagne, où … se portait la partie jeune et active de l'émigration. Tous ceux qui sortaient de France dans le dessein de combattre par les armes le régime révolutionnaire, fixaient leur résidence à Francfort, à Cologne, à Mayence, à Worms, à Coblentz, à Bayreuth, à Mannheim, partout où ils étaient sûrs de trouver asile à proximité de la frontière française. » in Ernest Daudet, Histoire de l’émigration pendant
Pour une étude plus complète du film voir Guillaume-Grimaud Geneviève, Le cinéma du Front populaire, Editions Lherminier, 1986 ainsi que Gauteur Claude,
« Le meilleur sujet, évidemment, serait la vie actuelle : la victoire de mai, les grèves de juin. Ce serait magnifique, mais le film ne sortirait jamais. Alors, nous nous sommes rabattus sur l’époque qui offrait le plus de similitudes avec la nôtre :
Les fonds recueillis se révélèrent largement insuffisants et la production fut reprise par une société de production de type classique.
3ème couplet « Ma sœur, te souvient-il encore Du château que baignait
Le roi fait savoir à l’électeur de Trèves qu’il avait jusqu’au 15 janvier 1792 pour disperser les rassemblements d’émigrés ; passé cette date il ne verrait plus en lui « qu’un ennemi de
Pressés par l'ex-ministre Calonne et par les intrigues du comte d’Artois, la déclaration des deux monarques, après la fuite manquée de Louis arrêté à Varennes et ramené de force à Paris (juin 1791) est rédigée en Saxe au château de Pillnitz en aout 1791. Les souverains demandaient le rétablissement du roi sur son trône et de ne pas porter atteinte à ses droits. Ils attiraient l’attention de tous les souverains européens et les invitaient à « agir d'urgence au cas où ils seraient prêts ». L’empereur Léopold menaça, à titre personnel,
Cette formule s'explique par le fait que le souverain habsbourgeois n'a pas encore été couronné empereur.
On a déjà évoqué le jeune homme jouant au yo-yo, un autre personnage s’amuse, lui, avec un petit singe.
Le comte d’Artois futur Charles X fut sans conteste le membre de la famille royale le plus radical dans sa lutte contre la révolution, autant durant sa période d’exil à la recherche d’alliance (instigateur de la déclaration de Pillnitz) que pendant la restauration à la tête des Ultras.
Le 5 novembre 1757, la bataille de Rossbach oppose l'armée du roi Frédéric II de Prusse aux troupes franco-impériales. Malgré un avantage numérique important (54 000 contre 22 000 hommes), l'armée franco-impériale commandée par le prince de Soubise, Charles de Rohan, est défaite, notamment en raison de l'assaut de la cavalerie prussienne.
Le quatrain s’achève sur : « Prodige heureux ! La voilà, la voilà ! Ô ciel ! Que mon âme est ravie ! Mais non, qu'est-ce donc que cela ? Ma foi, c'est l'armée ennemie. »
Le mariage de la carpe et du lapin, c'est à dire d'un poisson et d'un mammifère est contre nature donc vouée à l'échec. Cette expression française appliquée aux humains servait de métaphore au couple composé d'un noble et d'une roturière. Pour y pallier, le noble se voit dans l'obligation de donner la main gauche à l'épouse pendant la cérémonie, signifiant par ce geste qu'il ne transmettait son rang ni à sa femme ni à leur progéniture. Il est à signaler que si le noble donne sa main gauche, c'est parce que l'alliance normale entre deux personnes de même rang se mettait à la main droite.
On peut avoir en tète les scandales financiers qui touchent la haute société entre autre l’affaire Hanau, l’affaire de l’aérospatiale ou enfin l’affaire Stavisky.
Révolutions de Paris 1792: Illustrations N°. 172, du 20 au 27 octobre 1792, p. 207 « Neuf émigrés ayant été pris les armes à la main furent amenés à Paris, jugés par un conseil de guerre et exécutés sur la place de Grève. Le plus âgé n'avoit pas 30 ans. ».
Le deuxième film, « Les années terribles » (réalisé par Richard T. Heffron), relate l’histoire de
Jane Seymour en reine Marie-Antoinette, Peter Ustinov joue le célèbre marquis de Mirabeau, et
« Adieu la plus tendre des amies ; le mot est affreux, mais il le faut ; je n'ai que la force de vous embrasser. » écrit Marie-Antoinette à Mme de Polignac.
Victime des massacres de septembre 1792, on sait l’épisode de sa tête était promenée au bout d’une pique jusqu’à la tour du Temple où était enfermée Marie-Antoinette. Une littérature révolutionnaire abondante décrivait avec force détails macabres, la mise à mort, la mutilation, le dépeçage… Pour Antoine de Baecque, cette description morbide visait à « exprimer l’anéantissement du complot aristocratique » et à réprimer le complot féminin et lesbien de «
Voir les travaux de Patricia Bouchenot-Déchin, chercheuse associée au Centre de recherche du château de Versailles. Par exemple sa conférence Marie-Antoinette et Fersen : réalité historique et mensonge romanesque.
Redécouvert récemment aux Etats Unis, le document que le roi a mis plusieurs mois à rédiger se trouve exposé au Musée des lettres et manuscrits de Paris.
Cette haine trouvera son paroxysme dans les discours de Saint-Just et de Robespierre, qui réclament la mort de Louis lors de son procès.
On pourra se reporter aux ouvrages biographique d’Evelyne Lever comme au film de Pierre Granier-Deferre, L’autrichienne, 1989, qui montre la haine de la reine jusqu’à l’échafaud.
Jean Sylvain Bailly (1736-1793) fut le premier maire de Paris et accrochant la cocarde au chapeau du roi le 17 juillet 1789. Après la fuite à Varennes, pour éviter l’agitation républicaine qui vise à obtenir la déchéance du roi et, à la demande de l’Assemblée, il proclame la loi martiale. Le 17 juillet 1791 il ordonne à
Edmond de Beauverger, Des constitutions de
L’ancien époux de Joséphine, future impératrice, est resté célèbre pour le calme avec lequel il a annoncé le départ du roi: «Messieurs, dit-il en ouvrant la séance, le roi est parti cette nuit; passons à l'ordre du jour.»
Magistrat apparu sous
François Ignace de Wendel (1741-1795) : propriétaire des fonderies d'Indret près de Nantes depuis 1779, il crée en 1781 – avec le maître de forges anglais William Wilkinson – les forges du Creusot puis découvre, avec l'ingénieur Jars, le secret de le fonte au coke à l'anglaise. En 1793, il émigre avec ses fils en Allemagne.
Le personnage est évoqué dans Sylvie Dallet, « Faire ou subir les révolutions » Annales historiques de la révolution française n°347, janvier-mars 2007, pp. 168-175.
Jean-Pierre Thomas, Jean-Joseph De Laborde – Banquier De Louis XV, Mécène Des Lumières, Librairie Académique Perrin, 2002, 380 p.
Une liste très détaillée se trouve dans Table générale par ordre alphabétique de matière des lois, sénatus-consultes, décrets, arrêtés, avis du conseil d’Etat, etc… publiés dans le bulletin des lois et les collections officielles depuis l’ouverture des états généraux au 5 mai 1789 jusqu’à la restauration de la monarchie française au 1er avril 1814 par Rondonneau et Decle 1816.
Il s'agit d'une libre adaptation du roman Les Chouans d'Honoré de Balzac. Philippe Noiret y interprète Kerfadec, Sophie Marceau sa fille, Jean Pierre Cassel le baron de Tiffauges et Charlotte de Turckheim la marquise de St-Gildas.
Ce film de 1948 est du même ordre que Si Versailles m'était conté, Napoléon, ou Si Paris nous était conté. Néanmoins on ne peut oublier qu’il s’agit d’un film où Guitry cherche à justifier son action, surtout pendant la collaboration, à travers le personnage qui a poursuivit son travail avec toujours comme seul but de servir la grandeur de