Présentation du projet pédagogique

 

Les trois traductions que l’on va lire sont issues d’un projet pédagogique mené en 2021-2022 avec les étudiant.es du master traduction, en première et en deuxième année.

Contexte et choix des textes

En M1, nos étudiant.es se forment principalement à la traduction de textes de non-fiction. Le cinéma était apparu comme un thème qui intéressait le groupe et que nous n’avions pas abordé au premier semestre. Pour le deuxième semestre, j’ai donc sélectionné deux articles relevant des études filmiques, écrits par des collègues du laboratoire : l’un, publié en français, de Nolwenn Minguant, l’autre, publié en anglais, de Taïna Tuhkunen. L’article de Nolwenn Minguant, qui traite de traduction audiovisuelle, était en outre thématiquement formateur pour les masterant.es, dont beaucoup se déclarent intéressé.es par cette branche de la traduction. Celui de Taïna Tuhkunen, sur Tennessee Williams, faisait écho à l’un des cours de littérature offert aux étudiant.es.

En M2, l’accent est mis sur la traduction proprement « littéraire » (même si, en réalité, les textes de sciences humaines abordés en M1 relèvent aussi juridiquement du statut de la « traduction littéraire » ; en tout cas, c’est en M2 que l’on aborde le roman, la nouvelle, la poésie et le théâtre). Comme les étudiant.es allaient passer plusieurs semaines sur cette traduction, il était capital qu’ielles aiment le texte choisi : j’ai donc sélectionné six nouvelles dont la longueur me paraissait correspondre au temps que j’envisageais de passer sur le projet, toutes libres de droit, et les ai laissé voter pour leur préférée. C’est « The strange case of Thomas Dunbar » qui a eu leurs suffrages, nouvelle de Gertrude Barrows Bennett, considérée comme la première autrice américaine de science-fiction.

Objectifs

Au cours de leur master à Angers, les étudiant.es sont formé.es à la fois sur la traduction de textes courts (les exercices réalisés en classe) et sur les travaux de plus grande ampleur (leurs mémoires, jusqu’à 80 feuillets en M2). L’idée était ici de travailler sur un format intermédiaire, mais surtout d’expérimenter la collaboration, la mise en commun d’idées, sur des documents plus longs que ceux habituellement vus en classe, afin de leur permettre :

– d’acquérir des outils (numériques en particulier) et des méthodes de collaboration en traduction, activité moins solitaire qu’on ne le dit souvent ;

– de développer leurs compétences en traduction mais aussi en relecture, avec et sans consultation du texte source ;

– de créer une cohésion de classe autour d’un projet commun ;

– de leur apprendre à adapter les citations aux normes en vigueur dans les différentes langues et revues pour les textes de sciences humaines contenant des références bibliographiques, par exemple en utilisant Zotero ;

– de faire valoir de premières publications dans leur CV lors de leur entrée sur le marché du travail.

Méthodes employées pour la traduction collaborative

Le projet s’est déployé sur cinq semaines. Pour chacune des traductions, j’ai demandé aux étudiant.es d’établir, selon leurs affinités, des binômes de travail. Nous avons d’abord réparti les textes en sections qui ont été attribués à chaque binôme. Nous avons aussi formé des « binômes de binômes » : quand le groupe 1 traduisait, le groupe 2 était chargé d’une relecture, et ainsi de suite. Chaque semaine, plusieurs groupes présentaient leur traduction, leur groupe-binôme présentait les corrections suggérées, puis l’ensemble de la classe intervenait pour débattre des corrections proposées et en suggérer d’autres. Un temps était prévu en fin de projet pour une relecture générale, avec puis sans consultation du texte source, pour apporter les dernières corrections.

Nous avons principalement travaillé sur Office 365 avec des documents collaboratifs, en utilisant le suivi des modifications. Les documents étaient projetés en classe et les modifications apportées directement par la classe.

Avant publication, l’enseignante a refait des corrections de langue quand elles s’imposaient, tout en conservant les choix des étudiants.

Bilan du projet

Cette première expérience a été agréable et fructueuse, en grande partie grâce au sérieux et à la qualité d’écoute des deux promotions.

Le temps a cependant manqué pour mener à bien l’ensemble du projet : des textes plus courts auraient été mieux ajustés. Par ailleurs le travail sur Office 365 a un peu pâti de l’absence de certaines fonctionnalités par rapport à la version complète de la suite office ; d’autres outils auraient pu être plus adaptés.

Présentation des textes

Nolwenn Minguant – « Commerce, politique et identité : les enjeux du doublage et du sous-titrage des films hollywoodiens »

In Sylvaine Hugues (éd.), Commerce et Identité, Presses universitaires de Paris Ouest, 2013

Ce chapitre analyse la circulation internationale des films hollwyoodiens par le prisme de leur traduction : quelle méthode est choisie entre doublage et sous-titrage selon les aires linguistiques et culturelles, et pourquoi ? L’analyse s’appuie sur quelques cas particuliers, en analysant notamment la traduction de certaines scènes présentant des situations de plurilinguisme.

Taïna Tuhkunen – “Tennessee Williams’s post-pastoral Southern gardens in text and on the movie screen”

Référence du texte original :  Taïna Tuhkunen, « Tennessee Williams’s post-pastoral Southern gardens in text and on the movie screen », Transatlantica [En ligne], 1 | 2011, mis en ligne le 03 janvier 2012, consulté le 12 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/transatlantica/5406 ; DOI : https://doi.org/10.4000/transatlantica.5406

Résumé de l’autrice : Cette étude se penche sur la représentation du Sud états-unien dans l’adaptation cinématographique de cinq pièces du dramaturge américain originaire du Mississippi, Tennessee Williams: Un tramway nommé désir (Elia Kazan, 1951), La poupée de chair (Elia Kazan, 1956), La chatte sur un toit brûlant (Richard Brooks, 1958), Soudain l’été dernier (Joseph L. Mankiewicz, 1959), et La nuit de l’iguane (John Huston, 1964). L’article met en évidence, chez Williams, la représentation irrévérencieuse du paradigmatique jardin sudiste qui, s’il conserve certains de ses attributs classiques et bibliques, ne s’avère pas moins dynamique. En s’appuyant sur la conception du jardin pastoral théorisé par Leo Marx dans The Machine in the Garden (1964), l’auteur s’attarde sur la façon dont le cinéma du milieu du xxe siècle cherchait à recréer le jardin williamsien comme un lieu corrompu et déshumanisé, traversé de cris inquiétants.

 Gertrude Barrows Bennett – « The Curious Experience of Thomas Dunbar ».

Gertrude Barrows Bennett (1884-1948) est une autrice américaine. « The Curious Experience of Thomas Dunbar » est la première nouvelle qu’elle semble avoir écrite et soumise à un magazine, à l’âge de 17 ans. C’est The Argosy qui la publie dès 1904, faisant vraisemblablement de Gertrude Barrows Bennett la première femme à publier de la science-fiction aux États-Unis.

Sténographe de formation, devenue précocement veuve avec un enfant en bas âge et une mère âgée dont elle devait s’occuper, elle publie ensuite plus intensément pour subvenir aux besoins de son ménage. Sa longue nouvelle « The Nightmare » (1917) semble avoir été une inspiration pour The Land that Time Forgot d’Edgar Rice Burroughs (1918). Dans la nouvelle « Friend Island », elle imagine une société gynocratique du XXIIe siècle.

Longtemps oubliée, l’autrice est progressivement redécouverte et révélée comme une pionnière de la science-fiction américaine du XXe siècle.

Chloé THOMAS

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