L’écriture de l’attente dans Luna de lobos (1985) de Julio Llamazares : Le corps à l’épreuve du temps

Le roman Luna de lobos raconte l’histoire de quatre soldats espagnols qui après la chute du front républicain des Asturies, à l’automne 1937, se replient dans les montagnes de la cordillère cantabrique, région dont ils sont originaires, pour «esperar el momento propicio para reagruparse y reemprender la lucha o para escapar a alguna de las zonas del país que aún permanecían bajo el control gubernamental[1]». Cependant, au fil des mois et des années, l’armée rebelle gagnant du terrain, les possibilités de fuite s’amenuisent et les frontières sont de plus en plus difficiles à franchir pour ceux qui choisissent de prendre le chemin de l’exil ; l’étau se resserre alors autour de ces hommes dont la tête est mise à prix et qui vont se retrouver prisonniers dans leur propre pays, sans pouvoir ni quitter ces montagnes qui sont devenues leur unique refuge ni rejoindre leurs familles dans les villages alentour où une mort certaine les attend. Cette situation, apparemment intenable, va durer pourtant de nombreuses années ; bien qu’ils soient accueillis par ces mots que prononce la sœur du narrateur «Vete, Ángel, vete. Te van a matar[2]», ces hommes vont demeurer là, cachés dans «las entrañas de los bosques[3]», et vont tenter de survivre, à l’écart du monde, dans un espace primitif et hors du temps humain, dans une attente qui semble sans issue alors que le franquisme s’installe, que les réseaux de résistance sont démantelés, les intermédiaires arrêtés et exécutés, et qu’il apparaît clairement que la victoire des Alliés en 1945 ne changera rien à leur sort.

Le roman Luna de Lobos est le récit de cette attente : elle apparaît d’abord comme la dernière forme de résistance que ces hommes peuvent opposer à l’acharnement des gardes civils qui, pendant toutes ces années, ne renoncent pas à les pourchasser et restent constamment à l’affût du moindre faux pas, de la moindre imprudence. Ainsi, comme le dit clairement Ángel, lors de la «disparition» de Juan : «lo único que podemos hacer […] es seguir aquí sentados esperando[4]», ou encore Ramiro, alors qu’ils sont encerclés par des gardes civils : «Sólo nos queda una opción [] Esperar[5]». De sorte que, s’il est vrai que Luna de lobos raconte le long combat mené par ces hommes et présente ainsi de nombreuses scènes d’action, d’affrontements, de courses dans les bois, de rencontres secrètes dans les villages de la vallée, de règlements de compte aussi, le roman s’attache également à décrire longuement d’autres moments de la vie de ces hommes qui, à chaque instant, doivent faire preuve de prudence, de patience et de retenue, c'est-à-dire, doivent manifester cette «facultad de saberse contener y de no proceder sin reflexión», qui correspond à une des acceptions que donne le DRAE pour le mot espagnol espera. Les quatre protagonistes de Luna de lobos passent, en effet, le plus clair de leur temps dans l’attente : que ce soit lorsqu’ils sont dans les montagnes et observent le moindre mouvement qui pourrait signaler une nouvelle initiative de la part des gardes civils, ou encore, lorsqu’ils descendent furtivement dans la vallée pour rendre visite à leur proches et doivent attendre le moment opportun pour s’approcher des maisons ou pour en repartir sans que l’on remarque leur présence. Aussi de nombreux passages sont-ils le récit de ces moments, de cette attente, pendant lesquels tous leurs sens restent en alerte alors que leurs corps s’efforcent de s’adapter à leurs conditions de vie. Ces scènes donnent alors lieu à une autre épique, «una  épica cotidiana y resistencial[6]» qui concerne tout autant leur entourage, car, malgré la terrible répression que les familles endurent, elles aussi, et tous ceux d’ailleurs qui leur apportent une aide de quelque nature que ce soit  –comme ce médecin condamné à deux ans de prison pour avoir extrait une balle à l’un d’entre eux– , beaucoup s’efforcent de les soutenir, n’oublient pas leur présence distante mais constante et ne renoncent pas, malgré toutes ces années, à attendre le retour d’un frère, d’un fils, d’un compagnon[7].

Je propose d’explorer ici l’écriture de cette attente, ce temps fait de silence et de solitude, de constante tension et d’attention, ce temps perçu avec une acuité d’autant plus aiguë que l’attente se prolonge et devient chaque fois plus difficile à supporter à mesure que le temps passe et qu’aucune perspective d’avenir ne se dessine, si ce n’est l’attente même, comme si elle était devenue un état, une normalité, une représentation leur humaine condition. Pour cela, j’étudierai d’une part de quelle manière ces hommes vivent cette attente, c'est-à-dire, comment ils font l’expérience d’un temps qu’ils ne maîtrisent pas, dont ils ne peuvent interrompre la durée et qu’ils sont condamnés à subir et, d’autre part, la manière dont l’attente inscrit dans leur corps les traces d’une résistance devenue, au fil des ans, primitive pulsion de survie face à l’inéluctabilité de la mort.

Tout au long du roman, dans les nombreux passages qui mettent en scène des situations d’attente, on remarque la présence d’un ensemble d’indices qui visent à figurer l’expérience du temps humain au sens où ils donnent la mesure du temps tel qu’il est vécu par les personnages. Ainsi dans le développement d’une scène qui raconte comment Ramiro et Ángel cachés dans un moulin près du village attendent le retour du meunier parti s’informer du sort de Juan, le frère de Ramiro, dont ils sont sans nouvelles depuis la veille, les heures que donne régulièrement l’horloge de l’église[8], dans le silence et l’obscurité qui les entourent,  indiquent l’intensité avec laquelle les personnages perçoivent cette «tensa espera[9]». L’attention que les personnages portent aux signes temporels dans ces moments-là et la précision avec laquelle ils perçoivent le temps qui passe mettent alors en évidence la tension à laquelle ils sont soumis et la souffrance qu’ils ressentent face à leur impuissance à agir. Ainsi trouve-t-on souvent dans ces passages de nombreux indices temporels qui précisent le moment, voire l’heure exacte où la scène a lieu et les diverses étapes de son déroulement ; lorsque Ángel attend dans le grenier le retour de son père  –celui-ci a été emmené par les gardes civils pour un nouvel interrogatoire, en guise de représailles ou comme moyen d’intimidation et de pression– , le texte indique par deux fois l’heure à laquelle Ángel, toujours sur ses gardes, entend un bruit suspect,  «Hacia las dos de la mañana […] las lejanas campanadas  de las dos», puis ensuite le temps écoulé avant qu’il ne se décide à sortir de sa cachette «Aún espero […] cerca de una hora», et enfin, après le retour du père, lorsque Ángel se glisse hors de la maison familiale, on peut lire : «el reloj de la torre de La Llánava desgrana cuatro lentas campanadas. Cuatro uvas de hierro dolorido que revientan en la noche derramando sobre mi corazón una sustancia fría, mineral y amarga[10]».

Aussi le temps, tel qu’il est présenté dans ce roman, apparaît-il comme une donnée de l’intériorité des personnages ; sa mesure et son intensité s’appréhendent de diverses manières. En premier lieu à l’image de ces heures que marque la cloche de l’église et que l’on compare à des grains de raisins métalliques et froids, le temps dans l’attente acquiert une épaisseur, une densité presque palpable, comme une matérialité, que suggèrent d’ailleurs d’autres représentations imagées, par exemple «espero unos segundos a que el silencio se hinche como una nube[11]» ou encore «nos tumbamos otra vez a ver pasar el tiempo»[12] . D’autres fois, comme ces mêmes heures qui lentement s’égrènent / s’égrainent et dont le son se répand dans l’espace et dans le silence de la nuit, le temps semble se dilater, se décomposer ; il est saisi comme une durée que les personnages mesurent en longues et interminables secondes, minutes, heures :

«Pero pasan los segundos, lentos, interminables[13]», «Y, al fin, tras larguísimos minutos de ansiedad y de espera[14]», «durante las larguísimas horas muertas[15]». Ailleurs, l’écriture réitérative suggère le lent écoulement du temps dans l’attente et l’angoisse qui envahit le personnage ; ainsi lorsque Ángel, mis au courant de l’agonie du père, guette un signe du haut de la montagne «Durante todo el día, he vigilado la ventana de mi casa esperando esa señal […] Durante todo el día, agazapado como un topo en la boca de la cueva […] Durante todo el día, he vigilado en vano[16]» ou encore, lorsqu’il attend son beau-frère qui vient lui apporter des nouvelles «Le esperé casi una hora escondido entre estas tapias […] Le esperé hundido en la penumbra de un rincón, escuchando en tensión los sonidos del monte[17]». Si bien que parfois il arrive que les protagonistes fassent l’expérience d’un temps qui ne passe pas, ne s’écoule pas, semble immobile, un peu comme l’image de ce saut dans le vide grâce auquel Ángel, perdu dans un brouillard noir et froid, échappe une fois de plus à une embuscade : «El salto ha sido eterno, interminable. El tiempo se ha detenido, indefinidamente en mi corazón[18]».

Il apparaît alors que, dans Luna de lobos, l’attente n’est pas, comme on le dit parfois dans le langage courant, un temps vide, un temps pendant lequel rien ne se passe. Tout au contraire, l’attente est vécue plutôt comme un «trop plein» de temps, comme un excès de temps dont les personnages ne savent plus que faire si ce n’est tenter de le structurer en le mesurant de quelque manière que ce soit. En effet, au fil du temps qui passe, l’attente n’est plus un temps tourné vers un a-venir, vers un avènement qui en marquerait l’achèvement, c'est-à-dire la fin de l’exil[19]; et le texte montre alors de quelle manière l’attente devient peu à peu la matière et la forme même de leur vie. L’attente est ainsi perçue comme une longue succession de jours et de nuits : «Como tantas y tantas noches», «Y, así, uno, y otro, y otro día», «[…] y el silencio que cae de nuevo sobre mí. Otra vez. Una vez más», «Anochece. / Un día más se diluye como cierzo en el confín azul de las montañas. /  Un día más huyendo de mí mismo sin descanso ni esperanza[20].». Elle est aussi appréhendée comme une somme, le nombre croissant des années qui passent dans un incessant recomptage. D’abord, en 1937[21], lors du voyage de retour, le texte mentionne plusieurs fois le temps de la séparation : «en busca de la tierra que hace un año abandonamos[22]» et, à ce moment du récit, souligne l’espoir qui anime ces hommes[23] malgré la présence de signes funestes qui laissent présager un retour impossible[24]. Par la suite, dans la seconde partie, le nombre des années passées dans la montagne est associé au verbe «aguantar», notamment dans ce passage : «Hemos aguantado aquí ya dos años. Los peores. Esto no va durar siempre», dit Gildo, alors que pour Ángel, cette durée est déjà insupportable : «Yo soy el que no aguanta ya más [25]»  –il «tiendra» pourtant encore pendant plusieurs années et sera le seul survivant de cette immense chasse à l’homme. Puis, dans la troisième partie, on trouve encore la mention régulière du nombre d’années qui se sont écoulées : ainsi quand Ramiro rappelle à Don Manuel, le curé du village, son rôle dans la «disparition» de son jeune frère, Juan, blessé au cours d’une embuscade : «¿Recuerda usted una noche, hace ahora seis años, en que un hombre llamó a su puerta pidiendo ayuda?[26]», ou lors de cette évocation de la vie dans la vallée qui laisse apparaître l’ampleur de la souffrance partagée : «Son ya seis años los que llevan así, viviendo en silencio, aterrados, en la indecisión de la pena que les mueve a ayudarnos y el miedo, mayor cada vez, a las represalias.[27]» Enfin, dans la dernière partie du roman, qui se situe en 1946, le texte insiste sur les dix années de séparation et d’exil symbolisées par la vieille porte de la maison familiale que Ángel n’a pas franchie depuis qu’il est parti de chez lui, le même nombre d’années qui l’éloignent de cette scène du temps jadis, du temps des amours perdues : «hace ahora ya diez años bailaba en este mismo prado abrazando su cintura[28]». Aussi le roman Luna de lobos met-il en évidence dans le même mouvement le sentiment de perte irrémédiable[29] et le pouvoir destructeur du temps que l’on peut lire, par exemple, dans l’expression «la voracidad del tiempo[30]». 

Cette douloureuse perception du temps qui passe est suggérée, en outre, par les nombreux signes d’une nature sans cesse en mouvement, que ce soit dans l’alternance incessante du jour et de la nuit ou encore dans le rythme régulier des mois, des saisons, autrement dit, dans l’ordre naturel du monde. Le texte s’attarde en effet à décrire des moments particuliers de la journée, l’arrivée du jour ou la tombée de la nuit, et insiste sur les gradations de couleurs et les subtils jeux de lumière[31]. Certains passages figurent alors la fragilité de l’instant présent et la fugacité du temps qui passe dans une écriture lyrique propre à exprimer, bien souvent, la souffrance et l’angoisse de la mort que ressentent ces personnages. Ces sentiments sont ainsi lisibles dans un coucher de soleil aux couleurs sanglantes, dans les lambeaux d’un ciel qui se déchire, ou encore, dans l’immensité et la froidure d’une nuit obscure qui se referme sur eux comme un piège[32]. Par ailleurs, dans chaque partie qui compose le roman, la fréquente mention du mouvement incessant de la nature et du cycle régulier des mois et des saisons, loin de signifier le renouveau ou un éternel recommencement, vise plutôt à rappeler l’arrivée prochaine et inéluctable de l’hiver, période de l’année particulièrement redoutée qui oblige ces hommes à redoubler d‘efforts pour survivre, se protéger du froid, se déplacer, trouver de la nourriture. Aussi la construction de chacune des quatre parties suggère-elle le sentiment d’un enfermement dans un temps circulaire qui condamne ces hommes à une souffrance sans fin[33]. En outre, ce mouvement est perceptible si l’on considère le texte dans son ensemble ; le roman s’ouvre, en effet, avec l’annonce de l’arrivée imminente de l’hiver, en 1937 : «Al atardecer, cantó el urogallo en los hayedos cercanos. El cierzo se detuvo repentinamente, se enredó entre las ramas doloridas de los árboles y desgajó de cuajo las últimas hojas del otoño. Entonces fue cuando, por fin, cesó la lluvia negra que, desde hacía varios días, azotaba con violencia las montañas[34]», et se clôt alors que l’hiver, celui de 1946 cette fois, est là et recouvre tout l’espace du vivant : «Sólo hay ya nieve dentro y fuera de mis ojos[35]». Autrement dit, tout se passe comme si le roman, dans son déroulement était le récit de la lente, progressive et inexorable arrivée de l’hiver. Alors, la souffrance des corps et la violence de l’arrachement contenues dans ce passage inaugural pourrait figurer le destin tragique de ces hommes, comme le signifie aussi la toute première réplique du texte : «Bueno parece que esto se acaba[36]», ou encore, la brève description du premier personnage : «Su silueta se recorta en la abertura de la puerta como el perfil de un animal inmóvil, quizás muerto[37]». Leur destin s’accomplit, en effet, au fil des années qui passent avec la mort des trois compagnons de Ángel, le narrateur : celle de Juan, le frère cadet de Ramiro, «disparu» en 1937 alors qu’il était descendu au village pour rendre visite à sa mère et ramener des vivres et des couvertures ; celle de Gildo en 1939, abattu dans une embuscade alors qu’il tentait de récupérer l’argent d’une rançon qui les aurait aidés à franchir la frontière ; puis en 1943, celle de Ramiro, acculé au suicide après que les gardes civils aient mis le feu à l’étable dans laquelle il s’était réfugié avec sa compagne, Tina. Point d’aboutissement des quatre parties, mise en relief par l’interruption du récit et la rupture temporelle qui suit chacune d’entre elles, c’est donc vers la mort  –qu’elle soit réelle ou symbolique– que tend l’attente de ces personnages, comme seul dénouement possible. Le texte raconte alors de quelle manière ces derniers tentent de déjouer sa présence constante et montre la capacité du corps à résister à sa pression et à supporter le temps de l’attente.

En effet, bien que le texte insiste peu sur leur aspect physique –à peine sait-on que Ramiro a perdu un bras, que Juan est tout juste sorti de l’adolescence, que Gildo est de forte corpulence[38]–, le corps des personnages est très présent dans Luna de Lobos. Le texte s’attache, en premier lieu, à le décrire dans la relation au monde qui l’entoure, un environnement hostile et dangereux auquel les personnages tentent de s’adapter jusqu’à toucher les limites de l’humanité / l’inhumanité. En particulier Luna de lobos met sans cesse en avant l’aptitude à percevoir le monde dont le corps fait preuve et l’attention extrême avec laquelle il est à l’affût du moindre signe qui pourrait révéler la présence d’un danger. Contraints de se cacher le jour, ou tout au moins de rester confinés dans les bois, ou près des grottes qui leur servent de refuge, les protagonistes restent en observation tout au long de la journée et ne peuvent se déplacer que la nuit ; ils développent par conséquent une grande acuité sensorielle : ils sont capables de distinguer, au loin, le mouvement des camionnettes des gardes civils et leurs silhouettes qui s’affairent, d’entendre dans la montagne le hurlement d’un chien blessé que ses maîtres ont abandonné ou de sentir, en plein forêt, une odeur de fumée suspecte. En particulier lors des nombreuses scènes qui se passent à la nuit tombée ou dans l’obscurité d’un espace fermé, il arrive que l’odorat et l’ouïe suppléent aux limitations de la vue[39] et dans ces cas, le texte peut recourir à la figure de la synesthésie pour signifier l’intensité des sensations et souligner de cette manière la concentration des corps immobiles et silencieux[40]. Cette acuité sensorielle a été souvent considérée comme le signe patent du primitivisme et de l’instinct animal que ces hommes ont fini par développer au contact de la nature et aussi en raison de la traque dont ils sont victimes ; ils sont, en effet, poursuivis sans répit et tués comme des animaux lors d’une partie de chasse[41]. Ainsi la mort ignominieuse de Ramiro dont le corps est ramené au village comme un trophée[42] rappelle le récit de cette chasse au loup que fait le même personnage, tel un mauvais présage : il explique avoir vu autrefois, lorsqu’il était enfant, comment on piégeait l’animal en l’acculant dans une fosse appelée «chorco[43]» avant de l’exhiber devant les villageois.

Outre le processus d’animalisation auquel le corps de ces hommes est soumis[44] et que l‘on perçoit dans les nombreuses comparaisons avec certains animaux dont ils auraient acquis les qualités physiques et sensorielles –par exemple la sensibilité auditive du lièvre–, le texte décrit aussi la manière dont s’opère ce phénomène que certains critiques qualifient de «fusion» avec le règne animal[45] ou encore de «symbiose» avec la nature[46]. A certains moments, et tout particulièrement dans des situations d’attente, ces hommes peuvent en effet apparaître comme dotés d’un certain pouvoir mimétique et se fondre avec la nature, notamment avec sa végétation ; aussi le corps d’un personnage est-il comparé à un arbre[47], une voix est qualifiée de «gemido vegetal[48]» et il arrive qu’un corps se plaque contre un arbre «como si fuera musgo[49]». Le texte semble alors insister sur un processus qui affecte la nature de ces corps, comme s’ils étaient soumis à une métamorphose qui associe l’humain à l’animal et au végétal.

Il semble, en effet, que le corps des personnages tende à se rapprocher physiquement de cette nature et en particulier de cette terre bien souvent ambivalente[50] : à la fois protectrice dans la mesure où les protagonistes trouvent un refuge dans ses entrailles, mais aussi dure et implacable, soumise à l’ordre immuable de la nature[51]. Le texte montre alors comment le corps est soumis à rude épreuve notamment lorsqu’il doit rester enfoui dans un fossé, immobile sous les branches et les feuilles mortes, ou dans les ronces, malgré le froid et la neige, pendant toute une journée, en attendant que le soir tombe pour pouvoir sortir sans être vu, ou encore lorsqu’il doit s’aplatir contre un rocher[52] pour tenter de passer inaperçu. Certaines parties du corps sont particulièrement exposées : les yeux que la lumière du jour agresse quand les hommes sont restés longtemps dans l’obscurité[53], le visage qu’une eau fraîche traverse comme un coup de couteau[54], et surtout les mains et les pieds qu’ils doivent protéger du froid qui paralyse et de certaines blessures aussi ; la profonde entaille que Ramiro s‘est faite au pied l’oblige à descendre dans la vallée où il meurt encerclé par les gardes civils. D’ailleurs, à  la fin du roman, le texte insiste sur ces parties du corps de Angel, et notamment la description de ses pieds, «dos bolsas blancas, sin uñas, desmesuradas»[55], synecdoque d’un corps souffrant, représente alors l’image même de la douleur et de l’inhumanité de sa condition. On peut y voir également la métamorphose subie par un corps devenu difforme et quasiment monstrueux.

Dans ce roman le corps apparaît ainsi mis à mal par une nature qui semble animée d’une volonté maligne et destructrice à l’image de cette aubépine qui «se agarra con rabia a mi ropa arañándome los brazos y la cara[56] », ou encore de ces « matojos agarrándose a nuestros pies como garras de animales enterrados en el barro[57]», comme si la nature agressait le corps de l’homme et tentait de l’engloutir dans son propre corps, dans sa propre matière. Ainsi lorsque Ángel se cache dans la fosse creusée près de la bergerie, espace dans lequel il passe plus d’un mois, ne sortant que la nuit et reprenant sa place dès l’aube,  le texte dit : «Ha llegado la hora del reencuentro con ese hálito de magmas, de líquenes podridos, que impregna las entrañas de la tierra y el corazón de quien las viola y las habita[58]», mettant ainsi en évidence à la fois l’intimité du contact avec le corps de la terre et l’impossible «fusion» avec elle. Ce retour du corps de l’homme vers la terre ne peut conduire, en effet, qu’à la destruction, à l’anéantissement de l’humain comme cela se produit à d’autres moments du récit ; par exemple, lorsque la neige recouvre dans une lumière uniforme et infinie tout à la fois le corps de Ángel –«como un animal muerto[59]»– et l’espace naturel environnant si bien que nul ne peut plus distinguer le corps de l’homme étendu dans la neige, comme s’il avait été englouti ou effacé et n’avait plus d’existence. Bien que ce sentiment d’anéantissement s’accentue dans la dernière partie du texte, quand Ángel survit seul dans la solitude et le silence de la nature, il est également ressenti par ses compagnons pendant les longs moments que ces derniers passent à attendre, dans un espace confiné, que ce soit le fond d’une mine abandonnée, une grotte, un ravin, là où ils ont pu trouver provisoirement refuge. Dans ces espaces engloutis, creusés dans la terre, règnent le silence et l’obscurité et le corps est souvent contraint à une longue immobilité ; ces conditions extrêmes entraînent alors chez ces hommes une perte de conscience du réel. Ainsi, au début du roman, dans la nuit de la mine abandonnée au fond de laquelle les protagonistes doivent passer plusieurs jours, outre l’intuition qu’ils ont de la présence constante de la mort, s’ajoute l’impression angoissante que le monde extérieur n’est plus que du néant[60], comme si l’espace et le temps étaient abolis. Mais cette absence au monde devient aussi, peu à peu, une absence à soi et à sa propre humanité ; en effet, dans le silence éternel de cet espace infini que matérialise la nuit de la mine au moment où elle «lo envuelve todo, permanente e indefinidamente, empapando la tierra y el cielo, anegando el corazón y el tiempo y la memoria[61]», toute conscience humaine se trouve alors anéantie, toute mémoire abolie.

On peut reconnaître ainsi dans ce passage le même mouvement qui conduit Angel vers la mort. D’une part, il est littéralement enterré vivant dans sa propre maison, sa maison familiale, ce lieu des origines où, seul et complètement désespéré, il se réfugie pour affronter l’arrivée de l’hiver. Il survit alors dans un espace qu’il compare à un cercueil de terre[62] et dans lequel il a l’impression que «la inmovilidad y el silencio […] han pasado a formar parte sustantiva de mi propia identidad[63]». Ángel survit ainsi dans un entre-deux ; il sort chaque nuit quelques heures de son trou, mais surtout, il est maintenu le plus souvent possible dans cet espace si réduit que seul le contact avec la terre lui permet de percevoir les contours ce corps devenu pour lui totalement invisible ; un espace dans lequel, contraint de retenir sa respiration et de rester complètement immobile au moindre bruit suspect, il finit par perdre, bien souvent lui aussi, la notion du monde extérieur et du temps qui passe ; il a ainsi l’impression d’être beaucoup plus près des morts que des vivants, ces morts dont il acquiert, d‘ailleurs, la pâleur extrême. Alors, malgré la toute relative sécurité dans laquelle il se trouve, car les gardes civils ne manquent pas de venir fouiller régulièrement toute la maison et ne cessent de maltraiter sa sœur et son beau-frère, la capacité de résistance de Ángel semble trouver là une limite qui est aussi celle de son humanité. Et l‘attente prend fin au moment où il comprend qu’il n’y a pas de retour possible[64], c'est-à-dire, lorsque sa sœur Juana, dans un mouvement de désespoir, lui répète la même prière qu’elle lui avait adressée neuf ans auparavant «Tienes que marcharte Ángel […] Tienes que marchar de aquí[65]», autrement dit, au moment où elle lui signifie à nouveau son expulsion définitive[66]. Ángel prend conscience alors du fait que plus rien ne le lie à cette terre maudite qui ne cesse de le rejeter, et que personne n’attend plus son retour. Il décide alors de partir et de tenter le chemin de l’exil en passant clandestinement la frontière au terme d’un long voyage qu’il accomplit seul et sans jamais se retourner, au cœur de la nuit, dans le silence de la montagne[67].

L’attente prend donc fin pour Ángel au moment précis où elle se vide complètement de toute espérance, autrement dit, lorsque le verbe espagnol esperar ne signifie plus «espérer» mais seulement «attendre», au moment où sa foi et son espérance laissent la place au seul instinct de survie. Aussi pourrait-on avancer que bien qu’ayant atteint les limites de sa capacité de résistance, pour ce qui concerne Ángel, ce n’est pas exactement le corps qui ne «tient plus», au bout de toutes ces années d’attente, mais bien le cœur, qui était déjà bien profondément atteint par les paroles de son beau-frère quand celui-ci lui avait dit, à la mort du père : «Juana me tiene a mí […] A ti no te queda nadie[68]» ; en effet, l’expression «corazón helado» apparaît alors dans le texte[69] et il conviendrait de l’associer à Antonio Machado, un autre exilé, un autre blessé à mort.

Bibliographie critique

Jean Alsina, «Lecture de la trace, lecture de l’héritage (Beatus ille, Luna de lobos, Soldados de Salamina)», in Danielle Corrado, Viviane Alary (Ed.), La Guerre en héritage. Entre mémoire et oubli (de 1975 à nos jours), P. U. Blaise-Pascal, 2007, p. 601-613.

Catherine Orsini-Saillet, «En torno a una poética de la frontera: Luna de lobos de Julio Llamazares», in El universo de Julio Llamazares, Universidad de Neuchâtel, Cuadernos de Narrativa, n° 3, diciembre 1998, p. 87-103.  

Ana Rodríguez Fischer, «Épica, lírica y tragedia en la memoria histórica de J. Llamazares, A. Muñoz Molina, J. Ferrero y P. Zarraluki», in Danielle Corrado, Viviane Alary (Ed.), La Guerre en héritage. Entre mémoire et oubli (de 1975 à nos jours), P. U. Blaise-Pascal, 2007, p. 447-462.

Maria Antonia Suárez Rodríguez, La mirada y la memoria de Julio Llamazares: Paisajes percibidos, paisajes vividos, paisajes borrados (memoria de una destrucción y destrucción de una memoria), Universidad de León, 2004.

Enrique Turpin «El sol de los muertos. Una aproximación crítica a Luna de lobos de Julio Llamazares», in El universo de Julio Llamazares,Universidad de Neuchâtel, Cuadernos de Narrativa, n° 3, diciembre 1998, p. 106-117.

Marie-Claire Zimmermann, Postface in Julio Llamazares La lenteur des bœufs. Mémoire de la neige, Eglise-Neuve d’Issac, Fédérop, 1995, Edition Bilingue, poèmes traduits par Bernard Lesfargues.



 


[1] Julio Llamazares Luna de lobos, Barcelona, Seix Barral, 1985, p. 7. Il s’agit d’un passage de l’épigraphe.

[2] Ibidem, p. 20.

[3] Op. cit., p. 135.

[4] Op. cit., p. 45.

[5] Op. cit., p. 104-105.

[6] Ana Rodríguez Fischer, «Épica, lírica y tragedia en la memoria histórica de J. Llamazares, A. Muñoz Molina, J. Ferrero y P. Zarraluki», in Danielle Corrado, Viviane Alary (Ed.), La Guerre en héritage. Entre mémoire et oubli (de 1975 à nos jours), P. U. Blaise-Pascal, 2007, p. 452.

[7] «Ella nos mira [il s’agit de la mère de Ramiro] desde el fondo de unos ojos encendidos por la espera como queriendo constatar una vez más el milagro de que aún estemos vivos. De que no somos fantasmas que surgimos de tarde en tarde entre las sombras de la hornera para seguir alimentando su esperanza.», op. cit., p. 89.

[8] La présence de ce son est constante. On trouve dans un autre passage : «Me despiertan las campanadas de la iglesia, lentas, monótonas, lejanas», op. cit., p. 58.

[9] Op. cit., p. 47.

[10] Op. cit., p. 24-26.

[11] Op. cit., p. 63.

[12] Op. cit., p. 28. A propos du second vers du recueil poétique La lentitud de los bueyes (1979) : «Todo es tan lento como el pasar de un buey sobre la nieve», Marie-Claire Zimmermann écrit : «L’image pesante du boeuf sur la neige […] institue la temporalité ; elle crée aussi le rythme de l’écriture», in Julio Llamazares, La lenteur des bœufs. Mémoire de la neige, Eglise-Neuve d’Issac, Fédérop, 1995, Edition Bilingue, Poèmes traduits par Bernard Lesfargues, p. 125.

[13] Op. cit., p. 121. Et aussi p. 38, 49.

[14] Op. cit., p. 148.

[15] Op. cit., p. 76. Et aussi : «En el profundo tedio en que Ramiro y yo quedamos cuando se va el verano […] Sin nada que decirnos, sin nada ya que hacer sino contar las horas por el lejano silbido de los trenes», op. cit., p. 113.

[16] Op. cit., p. 132.

[17] Op. cit., p. 131.

[18] Op. cit., p. 141.

[19] Plus précisément il s’agit d’un exil intérieur. Voir Catherine Orsini-Saillet, «En torno a una poética de la frontera: Luna de lobos de Julio Llamazares», in El universo de Julio Llamazares, Universidad de Neuchâtel, Cuadernos de Narrativa, n°3, diciembre 1998, p. 90 et p. 93.

[20] Op. cit., p. 75, 113, 148, 144, respectivement.

[21] Le roman se compose de quatre parties dont les titres sont : «1937», «1939», «1943», «1946».

[22] Op. cit., p. 18, et aussi p. 25.

[23] Il est perceptible dans une lumière allumée qu’ils aperçoivent au fond d’une vallée, le doux murmure d’un ruisseau naissant, ou encore dans les détails du paysage familier enfin retrouvé.

[24] Ainsi le jaune du foulard de Juana que Ángel voit au loin est d’un éclat qui déchire la lumière du matin, les orties noires qu’il écrase dans la nuit, alors qu’il tente de s’approcher de la maison familiale, saignent sous ses pieds et la terre qui pénètre dans sa bouche au moment où, après avoir entendu un bruit suspect, il s’aplatit au sol, a un goût amargo, mot qui a la même origine latine que amarillo (amarillo. a, del b. lat. amar?llus, de am?rus, amargo), op.cit., p. 22 . Cette couleur jaune est d’ailleurs très présente dans l’oeuvre de Julio Llamazares ; on pense au roman La lluvia amarilla (1988) et dans le recueil de poèmes Memoria de la nieve (1982), on peut lire : «¡Dolor del amarillo!», in Julio Llamazares, La lenteur des bœufs. Mémoire de la neige, op., cit. p. 64, ou encore ce vers : «Aquí, la muerte es amarilla como el sabor del pan», ididem, p. 92.

[25] Op . cit., p. 76-77. D’ailleurs le verbe «aguantar» est souvent associé à une situation d’attente, ainsi «y aquí aguantó durante nueve días», op . cit., p. 30. 

[26] Op. cit., p. 93. Don Manuel avait livré le jeune homme aux gardes civils et nul n’avait su depuis ce qu’il était devenu.

[27] Op. cit., p. 96.

[28] Op. cit., p. 130. Il s’agit de Martina, la jeune femme que Ángel avait connue dans le village où il avait exercé comme instituteur jusqu’en juillet 1936.

[29] Les critiques ont souvent étudié le sentiment de dépossession qu’éprouvent les personnages de Llamazares. Voir notamment Maria Antonia Suárez Rodríguez, La mirada y la memoria de Julio Llamazares: Paisajes percibidos, paisajes vividos, paisajes borrados (memoria de una destrucción y destrucción de una memoria), Universidad de León, 2004 .

[30] Op. cit., p. 34.  Dans le récit de voyage Tras os montes, on peut lire : «el tiempo todo lo arruina, incluidos las personas y sus sueños,»  Julio Llamazares, Tras os montes, Madrid, Santillana, 2002 (1ère ed : 1998), p. 265.

[31] Par exemple une longue scène détaille le lever du jour et les variations constantes de la lumière, op. cit., p. 33-36. 

[32] Op. cit., p. 60, 69, 76, puis p. 72 et p. 112. D’ailleurs la nature est souvent perçue comme un corps en souffrance.

[33] Le texte dit : «nuestra condena», op. cit., p. 41.

[34] Op. cit., p. 11.

[35] Op. cit., p. 153. La neige qui recouvre le monde comme un linceul symbolise la mort et aussi l’oubli. Cette thématique apparaît notamment dans le roman La lluvia amarilla (1988), et dans le récit de voyages, El rïo del olvido (1990). On notera que le titre de ce dernier roman provient d’une expression qui apparaît dans Luna de Lobos au moment ou Ángel se glisse dans le cimetière après la mort du père et rend hommage à ceux qui «cruzaron el rïo del olvido», op., cit., p. 136.

[36] Op. cit., p. 11.

[37] Ibidem.

[38]Op. cit., p. 27. En outre, dans ce passage, les corps sont des «bultos negros en la oscuridad». On ne trouve pas véritablement de portrait de personnage, sauf pour Ángel, dans l’avis de recherche que lit le chef de gare, op. cit., p. 73.

[39] Op. cit., p. 30. 

[40] Dans le grenier à foin où Ángel se cache chaque fois qu’il rend visite à sa famille, dans l’obscurité la plus complète «se escucha el crujido seco y oloroso de la hierba», op. cit., p. 22.

[41] A propos des gardes civils le texte dit : «baten las montañas en una gigantesca cacería que esperan –tanto tiempo han esperado–  sea la definitiva», op. cit., p. 142.

[42] Op. cit., p. 137.

[43] Op. cit., p. 112. Le premier titre auquel avait pensé Julio Llamazares était précisément Chorco de lobos ; avec cette expression l’auteur souhaitait probablement mettre l’accent sur le sort réservé à ces hommes qui résistèrent au franquisme pendant les années de l’après-guerre et indiquait assez clairement où se situait pour lui la véritable sauvagerie.

[44] Voir Enrique Turpin, «El sol de los muertos. Una aproximación crítica a Luna de lobos de Julio Llamazares», in El universo de Julio Llamazares, Universidad de Neuchâtel, Cuadernos de Narrativa, n° 3, diciembre 1998, p. 113.

[45] Catherine Orsini-Saillet, op. cit., p. 91.

[46] Ana Rodríguez Fischer, op. cit., p. 453-453.

[47] Op. cit., p. 21.

[48] Op. cit., p. 20.

[49] Op. cit., p. 107.

[50] Elle est pourtant une terre «amère» et «maudite» dès le début du roman,  op. cit., p. 22 et p. 37.

[51] Voir les analyses de Catherine Orsini-Saillet et notamment : «La relación con una tierra madre protectora se establece a través de numerosas expresiones que remiten al cuerpo, a la cavidad, a la maternidad en cierta forma […] Pero la imagen tradicional de la matriz como fuente de vida, lugar seguro de los orígenes, con su calor y su humedad tranquilizante, se invierte totalmente: lo que encierran las cavidades son un agua que corrompe, un calor asfixiante o un frío devastador», in En torno a una poética de la frontera: Luna de lobos de Julio Llamazares», op. cit.,  p. 93-94.

[52] Op. cit., p. 38.

[53] Op. cit., p. 22, 29, 68, 125.

[54] Op. cit., p. 69.

[55] Op. cit., p. 144.

[56] Op. cit., p, 107.

[57] Op. cit., p. 13. 

[58] Op. cit., p. 147. On peut lire un peu plus avant : «esta fosa donde el calor y la desesperación se funden en una sustancia putrefacta que comienza a invadir ya mi cuerpo», op. cit., p. 151.

[59] Op. cit., p. 142. Ailleurs, le texte indique comment le brouillard ensevelit les corps des compagnons allongés sous les bruyères, op. cit., p. 44 . On ajoutera que dans ces passages, le mot employé pour dire un corps allongé est «tumbado», mot qui connote la présence de la mort.

[60] «Es como si estuviéramos muertos. Como si, fuera de aquí, no hubiera nada»,  op. cit., p. 27.

[61] Op. cit., p. 29. Ailleurs on trouve l’image de la neige qui tombe «sobre los campos desolados, sobre las extensiones infinitas de la noche, sobre las soledades eternamente juntas del río y del camino», op. cit., p. 48.

[62] Op. cit., p. 62. Il s’agit de la fosse creusée près de la bergerie.

[63] Op. cit., p. 148.

[64] C’est ce que lui avait en fait clairement signifié Ramiro, op. cit., p. 71.

[65] Op. cit., p. 150.

[66] Voir Catherine Orsini-Saillet, op. cit., p. 93.

[67] Il s’agit, en effet, d’une mort symbolique. Voir sur ce point les analyses de Jean Alsina, «Lecture de la trace, lecture de l’héritage (Beatus ille, Luna de lobos, Soldados de Salamina», in Danielle Corrado, Viviane Alary (Ed.), op. cit., p. 603 et 609.

[68] Op. cit., p. 132.

[69] Le texte dit “un corazón helado es un paisaje sin viento ni sentido”, ibidem.